Catherine Etienne
Accompagnement, conseil et formation
Catherine Etienne
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Les vacances d’été pour cultiver la qualité de présence à soi-même et au monde


C’est l’été, même si dans certaines régions de France, on pourrait en douter dans la lumière morose de matins doux et pluvieux. Pourtant les terrasses ne désemplissent pas, de mieux en mieux équipées de toits proposant un abri contre les intempéries. Enfin un répit ! Après ces longs mois de télétravail pour beaucoup d’entre nous, pouvoir enfin bouger nos corps ankylosés par de longues stations immobiles à des postes de travail inadaptés, le dos voûté, les yeux rivés sur un écran posé sur une table trop basse, un lit, un canapé, nos genoux ! Les troubles musculo squelettiques augmentent en ce moment la patientèle des kinés et des ostéopathes. Et l’intrusion du travail dans notre sphère domestique, l’isolement, la suppression des déplacements qui rythmaient nos journées et favorisaient les échanges informels entre collègues…ce nouveau mode de vie a encore accentué les troubles du sommeil, l’anxiété, les tensions mentales et physiques.

Alors, en ce début juillet qui nous offre une accalmie, et dans la perspective annoncée de nouveaux rebonds de l’épidémie, la tentation est grande de nous « dépenser », de nous « éclater », de nous extravertir, de nous « lâcher », de nous précipiter dans des activités sans doute trop intenses pour nos corps longtemps figés dans des postures contraignantes ! Peut-être attendons-nous d’une pratique corporelle orientées un résultat, tangible, efficace : courir pour perdre les kilos accumulés, faire du qi gong pour soigner et guérir rapidement tel ou tel organe ou telle articulation, nager pour soulager son dos, s’exercer à toutes sortes de pratiques pour gérer le stress accumulé, etc. Ces attentes sont à l’image de l’air du temps dans lequel nous baignons : la logique utilitariste s’est emparée de toutes les dimensions de notre vie. Nous sommes conditionnés par cette injonction sociale qui traverse tous les champs de notre existence, du professionnel à l’intime, du corps à la psyché : il faut travailler « sur soi », sans relâche, pour être « autonome », performant, capable de « nous tenir de l’intérieur », de nous maitriser…La valorisation de l’effort continu nous interdit la vacance, le retrait, le véritable repos.

Or Miguel Benasayag, philosophe et psychanalyste, nous rappelle que la souffrance contemporaine vient d’une difficulté à nous sentir en lien, non seulement avec les autres, mais surtout avec les couches profondes qui structurent notre être. On assiste aujourd’hui, dit-il, à une déconstruction de l’intériorité, qui va de pair avec une revendication de transparence : On se déverse sur les réseaux sociaux pour donner son intimité en spectacle. Cette destruction de la profondeur de nos intériorités se conjugue avec une injonction à la mobilité permanente, à l’adaptabilité, à la flexibilité…La société ne donne plus la possibilité de vivre tel qu’on est, singulier.  Or, la personne est « pleine de plis et de replis avec une intériorité faite de coins secrets, d’angles morts » !

Il me vient l’idée que cet été, pour régénérer notre vitalité en profondeur, il serait judicieux dans notre manière d’être :

  • De trouver le juste équilibre entre espace intérieur et espace extérieur, de « danser » cette alternance entre des moments de repli en soi, et des moments d’expansion dans notre environnement
    • Cultiver la qualité de notre conscience corporelle, être attentif à ce qui est vivant en nous, à notre pulsation intime, toujours plus lente que les rythmes imposés ; accepter de se déposer en soi, cultiver un « chez soi » ; expérimenter la lenteur, la douceur, le silence, la contemplation ; prendre le temps de déguster, sentir, accueillir…
    • Et puis se déployer, découvrir, aller vers, agir, développer, communiquer, rayonner, partager, offrir et recevoir…
  • De modifier la part accordée à des « régimes d’activité » de nature différente
    • Être moins dans le vouloir, le projet, la stratégie, la programmation, la recherche de l’utile, la poursuite d’objectifs, voire la recherche de records ;
    • Être davantage dans le registre du « non agir », prôné par les taoïstes : se laisser « flotter » dans le flux qui nous porte, renoncer à contrôler, être à ce que l’on fait, tous sens ouverts, mais non focalisés, sans désirer, sans vouloir. Être juste curieux de ce qui est là, de ce qui disparait, et de ce qui survient… Favoriser la « divagation », la balade, la rêverie, la flânerie, au gré des courants, des vents, des odeurs et des saveurs…Détendu, présent, attentif, disponible. Et faire confiance à la créativité qui surgit de ces suspensions du « vouloir », de ce silence, de ces interludes et entractes, sans craindre qu’il n’en émerge rien !

L’été peut alors être une période de disponibilité propice à entrer en résonance avec le monde. Selon Hartmut Rosa, auquel nous devons ce concept, cela suppose de :

  • Nous laisser interpeller, vibrer, toucher par quelque chose : personne, nature, idée, objet, œuvre d’art…
  • Répondre à cet « appel » en nous sentant relié au monde, à la Nature, à l’Histoire, à une communauté, à une transcendance…
  • Nous laisser transformer :  nous ne serons plus tout à fait les mêmes après cette expérience. En sachant que cette relation de résonance est unique, imprédictible, non reproductible : nous ne pouvons pas en faire un objectif, et elle ne se présentera jamais à nous si nous nous focalisons sur l’idée de l’atteindre et d’accumuler ce type d’expériences.

Contre les sollicitations incessantes de nos contextes de vie, le rythme effréné, le morcellement du corps, la priorité donnée au « faire » et à la performance, le « toujours plus », cultivons ces moments de pause et ces activités « holistiques », où nous développons la conscience de notre rythme intérieur, où nous sommes attentifs à la qualité de notre présence et de nos gestes, ouverts à la résonance… Nous retrouverons alors un calme et une tonicité qui nous permettront de garder une stabilité dans ce contexte actuel si incertain qui bouscule nos repères. Nous serons sans doute davantage capables de nous positionner plus justement dans la complexité des situations, d’affirmer, face aux injonctions et aux discours radicaux, des points de vue « centrés », argumentés et nuancés.

Mes sources d’inspiration :

  • Clinique du mal être, la « psy » face aux nouvelles souffrances psychiques de Miguel Benasayag 2015.
  • Leçons sur Tchouang Tseu, de Jean François Billeter, Editions Allia, 2002
  • Chez soi , de Mona Chollet 2015
  • Remède à l’accélération, de Hartmut Rosa, un ensemble de textes courts rassemblés par Philosophie magazine éditeurs 2018 ;
  • La panthère des neiges, de Sylvain Tesson Gallimard 2019
  • Retrouver l’intelligence du corps, de Eve Berger Grosjean, Interéditions 2020
  • Le courage de la nuance, de Jean Birnbaum 2021

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